Situons d'abord le bonhomme: Takashi Miike, réalisateur
culte aussi prolifique qu'un Jesus Franco ou un Joe D'Amato (il réalise en moyenne
5 films par an), a une réputation de provocateur trash plutôt controversée parmi
les fans de cinéma asiatique: branleur qui bâcle ses films pour les uns et génie
de la subversion pour les autres. Pour ma part, la vision de Ichi The Killer,
film de yakuzas complètement déjanté du ciboulot, m'a permis de trancher: Miike
est un génie!!! Le
chef d'un clan de yakuzas disparaît brutalement et tous les soupçons se portent
sur le serial killer Ichi. Kakihara (le charismatique Tadanobu Asano déjà vu dans
Electric Dragon 80000V), aux tendances sérieusement soda-masochistes,
se trouve fort marri de la disparition de son boss, le seul qui arrivait vraiment
à lui faire ressentir une souffrance intense. Il part à la recherche du tueur,
non sans employer des méthodes d'investigation radicales. Ichi (rien à voir avec
Itchy et Scratchy) a, quant à lui, la fâcheuse habitude de se promener en combinaison
moulante arborant un magnifique 1 (Ichi en japonais) et d'étriper et charcuter
tout ce qui bouge. Sa personnalité va se révéler être bien plus complexe qu'on
ne pourrait l'imaginer puisqu'il n'est pas tout à fait maître de ses actions...
La scène de torture finale de Audition,
pour l'instant le seul film de Miike sorti en France, créait d'abord le
sourire (kili kili kili kili!) puis installait le malaise par sa complaisance
et son insistance. Ichi The Killer, c'est un peu la scène finale de
Audition puissance 10 et étalée sur toute la durée d'un film, à la différence
près qu'on sort de la projection avec un grand sourire béat (surtout lorsqu'on
le voit au BIFFF où le public est déchaîné). Alors que le film aurait pu être
malsain et étouffant, Miike arrive autant à nous amuser qu'à nous horrifier. Les
personnages sont tous plus barges les uns que les autres, nageant dans un monde
surréaliste d'ultra-violence, de sado-masochisme et de déviance sexuelle (une
certaine idée du bonheur, quoi!). Les scènes absurdes foisonnent: la "rupture"
de Kakihara avec sa nouvelle relation sado-maso, le grand Shinya Tsukamoto (Mister
Tetsuo) nous faisant son numéro de Monsieur Muscle, Ichi pleurant comme
une madeleine pendant ses carnages, Kakihara répondant au téléphone juste après
s'être coupé la langue ("Haho! Hé Hi?"), pour ne prendre que quelques
exemples en vrac. Mais
n'oublions pas ce pourquoi tout le monde attendait ce film: ses scènes gore. Et
là, on est servi! Ichi et Kakihara rivalisent d'inventivité lorsqu'il s'agit de
s'adonner à une bonne séance d'ultra-violence: langues sectionnées, bras arrachés,
corps découpés (Ken le survivant version live), visages transpercés de pics (un
classique chez Miike), suspension par des chaînes au plafond, brûlure à l'huile
bouillante, perçage de tympans (avec le son s'il vous plait!), étalage de boyaux...
j'en oublie sûrement. Le surréalisme outrancier du film désamorce la plupart
du temps les excès d'hémoglobine pour les rendre hilarants et on approche parfois
furtivement l'inégalable Brain Dead (gloire à toi, ô saint graal vénéré!).
Ajoutez à cela une mise en scène inventive prise de soubresauts expérimentaux,
une bande sonore electro-alternative fort sympathique, et le spectacle est total.
Ichi
The Killer étant certainement voué à rester une bête curieuse de festival
(je vois mal sortir un film aussi déviant dans nos prudes salles françaises),
ruez-vous sur ce manifeste trash dès que l'occasion se présente, la foudre ne
frappe qu'une fois au même endroit. Toutefois, âmes sensibles ou personnes prenant
tout au premier degré, s'abstenir ou se munir d'un sac à vomi... |