KUNG
FU HUSTLE Après Shaolin Soccer qui l'a révélé auprès d'une partie du grand public (radio, bière, foot), Stephen Chow était attendu au tournant par les fans de la première heure...
L'heure de la consécration ?
Kung Fu Hustle (Gong Fu) 2004
Sortie nationale : 08 Juin 2005
Réalisateur :
Stephen Chow Sing-Chi
Avec :
Stephen Chow Sing-Chi
, Kwok Kuen Chan, Xiaogang Feng, Feng Xiao Gang, Dong Zhi Hua, Chi Chung Lam, Siu Lung Leung, Hsiao Liang, Chiu Chi Ling, Cheung Cheun Nam, Wah Yuen...
Durée : 1h35
En
juin 2002, je me voyais atteint dun choc cinématographique
comme il en arrive rarement dans la vie dun fan
de Cinéma Ce choc, ce fut lovni Shaolin
Soccer.
Je navais alors aucune idée de qui était
Stephen Chow Sing-Chi, je navais aucune idée
de ce quétait le genre "Mo Lai
To" bref jétais complètement
à côté de la plaque
Cest
avec avidité que j'ai tenté de combler le
trou béant dans ma cinémathèque personnelle
avec les uvres précédentes de Stephen
Chow.
Des uvres diverses et variées telles
que Love on delivery (Po huai zhi wang / 1994), une comédie
romantique manga supra débile (jinsiste sur
ce superlatif). Sixty Million Dollar Man (Bai bian xing
jun / 1995), où Stephen Chow nous fait son L homme
qui valait 3 milliards version nimporte quoi ! God
of Cookerie (Sik san / 1996), brouillon (mais quel brouillon !)
de Shaolin Soccer, version cuisine... et King of Comedy (Hei kek ji wong / 1999), comédie illustrant les
déboires dun acteur qui veut faire son trou
dans le milieu du cinéma HK, et qui à bien
des égards représente le film le plus personnel
du réalisateur
Au
travers de ces multiples films et de lévolution
que prend sa filmographie, on se rend bien vite compte
que Shaolin Soccer est le film de la fin dune époque,
le film "somme" des essais fructueux
ou non, bons et moins bons de Stephen Chow Avec
Shaolin Soccer, Stephen Chow voit beaucoup plus grand,
déjà son film est susceptible dintéresser
une partie des spectateurs occidentaux de part son sujet,
le football et surtout avec Shaolin Soccer, Stephen
Chow réalise plus un film quune suite de
sketchs, ce qui représentait la plus grand faiblesse
de son cinéma jusque là, mais en même
temps la composante essentielle de son humour le
"Mo Lai To", que lon peut
traduire communément par "nimporte
quoi" !
Pour nos yeux doccidentaux débridés,
ce qui se rapproche le plus de lhumour "Mo
Lai To", cest le cinéma des ZAZ
(Top secret, Airplane! etc ) cest à
dire une suite de gags non sensiques et plus stupides
les uns que les autres déversés à
la fréquence dun tir de mitraillette
ça fuse dans tous les sens, ça na
justement aucun sens, et lhistoire sert le plus
souvent de prétexte pour y déverser le maximum
de stupidités à la seconde Les plus
curieux dentre vous pourront se régaler de
la vision de Sixty Million Dollar Man pour comprendre
le "Mo Lai To" façon Stephen
Chow une suite de gags crétins, stupides,
débiles dans un script complètement déstructuré
et défiguré par le déséquilibre
du ratio 30 gags par ligne de scénario Il
nempêche quest ce quon rit !
Shaolin Soccer opère un véritable virage
dans la carrière de Stephen Chow le film,
même sil succombe parfois à quelques
pertes de rythme, propose clairement un début,
un milieu, une fin avec des personnages qui évoluent
au fur et à mesure du métrage
Tous les éléments qui ont fait le succès
de Shaolin Soccer sont déjà présents
dans ses films précédents, un humour décalé,
des gueules de crétins, une naïveté
touchante, mais cette fois, tout est parfaitement lié
par un scénario simple mais efficace, des personnages
bien plus approfondis et une idée centrale qui
unifie le tout (le Kung Fu, comme art universel)
D'une
façon habituelle, ce qui suit un film "somme"
comme Shaolin Soccer, cest malheureusement très
souvent la répétition et généralement
la déception Tous les signes avant coureurs
étaient d'ailleurs là pour effrayer le fan
de Stephen Chow un développement assez long
(3 années auront séparé Shaolin Soccer
de Kung Fu Hustle), la forte participation de capitaux
occidentaux dans la production du film Stephen Chow
aurait-il vendu son âme au diable ? Va-t-il nous
resservir un Shaolin Soccer version propre et délavée ?
(on se souvient du montage imposé par Miramax pour
la sortie US de Shaolin Soccer)... le doute s'installe...
Et puis arrive le premier teaser du film où
lon voit une bande de gamins jouer au football
la balle part vers la caméra et est interceptée
par un homme, Stephen Chow qui commence à jongler
avec... et puis soudain il écrase le ballon du
plat du pied comme une crêpe et dit aux gamins "Fini
le football !", le teaser se termine alors sur trois
tronches de pyjama en larmes pour notre plus grand bonheur
le message est clair "Non, je ne ferai
pas Shaolin Soccer 2 tant pis pour vous si vous
nêtes pas content !" le
fan est rassuré il attend maintenant Kung
Fu Hustle avec impatience
La
Chine pré révolutionnaire Les gangs
font la loi dans les rues des grandes cités et
notamment le gang de la Hache Seules quelques villages
qui ne présentent aucun intérêt lucratif
sont laissés tranquilles Cest dans
un de ces villages que se cache une poignée de
maîtres du Kung Fu qui tentent tant bien que mal
de dissimuler leurs pouvoirs afin de ne pas attirer les
ennuis sur leur entourage
Cest alors quarrive Sing, gangster minable
dont l'ambition est de rejoindre le gang de la Hache afin
de quitter définitivement ses habits de loser qui
lui collent à la peau. Il décide alors de
se faire passer pour un membre éminent du gang
de la Hache pour arnaquer ce village dirréductibles
chinois Laltercation entre Sing et les membres
du village se finit mal et attire de vrais membres du
gang de la Hache les anciens maîtres du Kung
Fu ont alors le choix entre ne rien faire et laisser périr
les villageois ou sortir de leur anonymat et déclencher
une guerre redoutable
Dès
l'introduction, Kung Fu Hustle assène un immense
coup de gourdin dans la tronche du spectateur on
retrouve tous les éléments qui font le cinéma
de Stephen Chow mais lhabillage est on ne peut plus
conséquent
Dès la première scène,
Chow se lâche avec un plan séquence qui traverse
les murs dun commissariat façon Brian de
Palma, les décors illustrant la ville sous lemprise
des gangs sont magnifiques et superbement photographiés
et au milieu de cette débauche de dollars et de
technique, on retrouve la merveilleuse sensation de rire
comme une otarie bourrée à la bière
lorsquun truand se fait couper la jambe en pleine
course et quil se ramasse lamentablement la face
sur le béton Là, le chef du gang de
la Hache arrive en premier plan sur des pas de danse surréalistes
accompagné par la musique jazzy de Raymond Wong
ça y est, le "Mo Lai To"
fait son entrée en grande pompe dans cet univers
fantasque
Stephen Chow est de retour et la prochaine heure et demi
va être exceptionnelle
Kung
Fu Hustle n'aura de cesse d'alterner scènes de
comédie hilarantes et scènes de combat dantesques,
le schéma du crescendo étant rigoureusement
tenu, chaque combat surpassant le précédent
en impact et en force de destruction... sauf qu'au lieu
de commencer par un petit combat à un contre un,
le premier combat de Kung Fu Hustle est un hommage direct
au burly brawl du Matrix Reloaded des Frères Wachowski...
trois maîtres du Kung Fu s'opposent à des
dizaines de membres du gang de la Hache... la chorégraphie
des combats est fabuleuse et mélange avec succès
arts martiaux traditionnels et loufoqueries digitales
qui émerveilleront vos yeux... Lorsque l'on sait
que le poste de chorégraphe des combats a été
partagé entre Yuen Woo Ping (Once upon in China,
Fist of Legend, la trilogie Matrix, Kill Bill... excusez
du peu)... et Sammo Hung (le maître incontesté
de la Kung Fu Comedy, remplacé par Yuen Woo Ping en cours de tournage) ... on comprend mieux pourquoi le
spectateur termine le film avec des yeux gros comme des
assiettes à soupe...
A
la manière des matchs qui se succèdent dans
Shaolin Soccer, les combats de Kung Fu Hustle vont progressivement
devenir irréels et Stephen Chow de lorgner une
fois de plus vers le manga avec des affrontements magnifiquement
mis en scène et débordant d'imagination
(le combat contre les musiciens à la guitare magique)
ou tout simplement homériques et profondément
jouissifs entre un Sing qui s'éveille aux arts
martiaux et "The Beast", un expert
en combat, devenu fou car il n'avait plus d'adversaire
à sa taille. Stephen Chow multiplie l'intervention
des effets spéciaux, sans jamais perdre de vue
le dynamisme des combats... il en ressort tout simplement
du jamais vu... et on se met à rêver avec
ferveur d'une adaptation du manga Dragon Ball réalisée
par Stephen Chow, tant l'univers de Akira Toriyama semble
être à la portée de Stephen Chow,
aussi à l'aise avec les scènes d'action
que de l'humour pipi-caca du papa de Gokû.
D'ailleurs
Stephen Chow ne renie à aucun moment son talent
d'humoriste et nous propose des moments de comédies
irrésistibles alternant avec bonheur un humour
non sensique typiquement chinois (le maître du Kung
Fu homosexuel en slip rouge, le villageois se promenant
cul à l'air) et un humour visuel / cartoonesque
universel qui viendrait à bout des plus réfractaires
au cinéma de Hong Kong... de la course poursuite
entre Sing et la chef du village Landlady - véritable
adaptation live d'une course poursuite entre Bip Bip et
Vil le coyote - à l'écrasage de pieds de
méchants en série distribué par un
Sing devenu surpuissant... Chuck Jones doit sauter de
joie dans sa tombe...
Mais
ce qui impressionne une nouvelle fois avec Stephen Chow,
c'est cette thématique puissante sur les arts martiaux
qu'il diffuse au fur et à mesure de ses derniers
films. Déjà dans God of Cookerie, mais surtout
dans Shaolin Soccer, les arts martiaux devenaient un art
universel applicable dans tous les domaines de la vie
et à même d'améliorer le quotidien
de celui qui les pratique. Dans Kung Fu Hustle, les arts
martiaux sont une composante de notre être, ils
font partie de nous, ils ne demandent qu'à s'éveiller
à notre corps au travers d'une rencontre ou d'un
choc frontal... le thème de la transformation,
de la métamorphose est au centre de Kung Fu Hustle.
A ce propos le personnage de Sing (interprété
par Stephen Chow himself) qui passe du statut d'apprenti
à celui de maître comme la chenille qui se
transforme en papillon pourrait bien être le reflet
imagé de la transformation que vit actuellement
Stephen Chow depuis Shaolin Soccer... l'acteur comique
se transforme petit à petit en réalisateur
de talent (ceci se traduit d'ailleurs par un temps de
présence devant la caméra finalement assez court). Il est également intéressant de
retrouver dans Kung Fu Hustle la thématique du
super héros fondu dans le quotidien, déjà
traité dans les deux Spiderman de Sam Raimi (énorme
clin d'oeil qui fera hurler de rire le fan) et le formidable
The Incredibles de Brad Bird... Ici les maîtres
du Kung Fu représentent des figures héroïques,
des super héros contraints de se cacher aux yeux
de tous pour éviter d'attirer représailles
et actes de vengeance sur leurs proches...
Que
peut-on ajouter de plus... Ah oui! la musique de Raymond
Wong - déjà à l'origine de celle
de Shaolin soccer - est sublime et accompagne à
merveille tous les débordements du film, qu'ils
soient du registre du comique, de l'action, ou de l'émotion
(Ah! la scène de la sucette et des retrouvailles
des deux enfants)... De plus, comme d'habitude le casting
est un sans faute, Stephen Chow s'entoure de ses fortes
gueules habituelles, véritables tronches de cartoon
déformables à volonté... on retrouvera
d'ailleurs avec un plaisir à peine dissimulé
quasiment l'intégralité du casting qui composait
déjà Shaolin Soccer à l'exception
malheureusement de Ng Man-Tat (Golden Leg) et Wong Yat-Wei
(Iron Head)...
Sincèrement,
devant un spectacle comme Kung Fu Hustle, il est difficile
de faire la fine bouche, de pinailler... on succombe complètement
et sans ménagement !
Et je terminerai par cette phrase que j'ai toujours voulu
placer à la fin d'un article, Stephen Chow... il
a un bon Kung Fu !