Ignatus
J. Reilly est gros
très gros
Ignatus est un gros fouteur de
merde, révolutionnaire dans l'âme, schizophrène drolatique
Celui-ci, habitant encore chez sa mère à 30 ans n'a de cesse de
remplir ses cahiers " Big Chief " de son projet littéraire visant
à démontrer la dégénérescence de la société
et prônant un retour à des murs plus saines dans une prose
moyenâgeuse. Fou incompris (où est-ce le monde qui l'entoure qui
est fou ?) Ignatus change d'idées comme il change de travail... démontrant
en cela son inaptitude à s'intégrer dans la société
qu'il critique. La conjuration des imbéciles est le roman d'une dégénérescence
ou (au choix) de la renaissance d'un personnage hors norme
Dans
les années 60, un jeune auteur achève l'écriture d'un roman
qui s'inspire de la citation de Jonathan Swift apparaissant d'ailleurs en préface
de son ouvrage : " Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde,
on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous
ligués contre lui ". Cet écrivain s'appelle John Kennedy Toole
et se suicidera 10 ans plus tard à l'âge de 32 ans après avoir
tenté vainement de faire publier son livre
Sa mère réussira
à faire publier son premier livre à force d'acharnement et de conviction
auprès d'éditeurs peu enclins à croire une mère de
famille avouant à qui veut bien l'entendre que son fils mort a écrit
un " grand roman ". A sa sortie, La conjuration des imbéciles
est un énorme succès et comme pour souligner l'ironie des propos
de Jonathan Swift, ceux-là même qui causèrent la mort de John
Kennedy Toole 11 ans plus tôt, lui décernèrent en 1981 le
prix Pulitzer
Difficile
d'imaginer canular plus dramatique, surtout lorsque l'on sent dans les premières
pages de ce roman fulgurant la projection de ce jeune auteur dans ce corps gras,
dans cet être nommé Ignatus Reilly, imbécile parmi les imbéciles.
Difficile pourtant de ne pas rire devant cette critique acerbe de l'Amérique
moyenne des années 60
difficile de ne pas sourire devant ce personnage
égocentrique croyant tout savoir et développant des thèses
plus absurdes les unes que les autres. Difficile de ne pas s'esclaffer devant
la mauvaise foi, la paranoïa et l'hypocondrie aiguë (sacré anneau
pylorique
) développées par ce clown intellectuel. Difficile
enfin de ne pas se prosterner au fil des pages devant le style insaisissable de
John Kennedy Toole, qui trouve échos aujourd'hui dans les livres de Chuck
Palahniuk* par sa peinture sociale de l'Amérique
chaotique et de Breat Easton Ellis par son incroyable sens du détail
Lire la
conjuration des imbéciles est d'abord un devoir, le devoir de reconnaissance
d'un génie bafoué, mais un devoir qui devient vite un plaisir.
* Lire
l'article de "Choke" de Chuck Palahniuk |