Crâne
d'Oeuf a 10 ans, est à l'hôpital pour enfants en phase terminal d'une
leucémie, entouré d'une bande de copains aux maladies toutes plus
enviables les unes que les autres. Ses parents sont des cons et des lâches
qui ne le comprennent pas, et son médecin est déçu : Oscar
est un obstacle à la médecine et à l'espoir médical.
Tout cela pourrait paraitre bien peu réjouissant , si Oscar n'avait
fait la rencontre de Mamie-Rose, visiteuse d'enfant tellement agée qu'elle
en est périmée, ancienne catcheuse au coeur gros comme une barbapapa,
qui lui a conseillé d'écrire à Dieu. Ce concentré
de bonheur (99 pages) est la compilation des 10 lettres d'Oscar à Dieu,
issues toutes droites de l'imagination d'Eric-Emmanuel Schmitt, écrivain
de 43 ans, plus sous le feu des projecteurs hexagonaux pour ses pièces
de théâtre que pour ses romans, dont "Oscar et la dame Rose"
est le troisième volet du "cyle de l'invisible", ayant comme
inspiration les religions : boudhisme pour le premier opus, islam pour le second
et catholicisme pour ce troisième. Ces lettres d'Oscar sont écrites
avec les mots et les maux du petit garçon qu'il est. Tout fan de Daniel
Pennac y retrouvera toute la fougue et la poésie d'un Benjamin Mallaussène
de 10 ans : (s'adressant à Dieu) "Ecrire, c'est rien qu'un mensonge
qui enjolive. Un truc d'adultes. La preuve? Tiens, prends le début de ma
lettre : "Je m'appelle Oscar, j'ai dix ans, j'ai foutu le feu au chat, au
chien, à la maison (je crois même que j'ai grillé les poissons
rouges) et c'est la première lettre que je t'envoie parce que jusqu'ici,
avec mes études, j'avais pas le temps", j'aurais pu aussi mettre :
"On m'appelle Crâne d'Oeuf, j'ai l'air d'avoir sept ans, je vis à
l'hôpital à cause de mon cancer et je ne t'ai jamais adressé
la parole parce que je crois même pas que tu existes."".
Bien loin d'une approche facile où Dieu apparaît sur
demande pour résoudre tous les soucis, guérir toutes les maladies
et j'en passe, Schmitt s'est vraiment appliqué à introduire le lecteur
dans la tête de Crâne d'Oeuf, avec les mêmes pensées
et les mêmes idéaux que nous pouvions avoir à son âge
: c'en est bluffant tellement on s'y croit! Plus encore que l'approche
de la religion, c'est une vraie leçon de vie qui nous est donnée,
modeste et libre d'accès. De plus, grâce à une brillante
idée (géniale?), Schmitt, via Marie-Rose, permet à Oscar,
donc à nous, de vivre une vie entière en dix jours!! Le tout est
tellement bien écrit et exploité que l'on est reste coincé
entre un franc sourire (l'humour y est fin et fort à la fois) et une réelle
admiration. Le sentiment est aussi profondément au rendez-vous.
A moins de rester très distant par rapport à l'histoire, la dernière
lettre du livre (surtout ne commencez pas par celle-là!!!) vous fera très
certainement verser des larmes de crocodiles... En somme, Oscar et la
dame rose est un véritable bijou. Très accessible, écrit
avec talent, cette petite histoire, trop courte, nous met avec beaucoup de tendresse
face à nos angoisses les plus primaires : Dieu, la maladie et la mort.
Un livre tout en amour et en émotion, pas un seul instant ni moralisateur
ni facile, une perle de chevet, à lire et à relire. (Oscar
à mamie-Rose, à propos de ses parents) : "Le jour où
je suis revenu de l'école en leur disant qu'il fallait arrêter de
déconner, que je savais, comme tous mes copains, que le Père Noël
n'existait pas, ils avaient l'air de tomber d'un nuage. Comme j'étais plutôt
furax d'être passé pour un crétin dans la cour de récréation,
ils m'ont juré qu'ils n'avaient jamais voulu me tromper et qu'ils avaient
cru, eux, sincèrement, que le Père Noël existait, et qu'ils
étaient déçus d'apprendre que ce n'était pas vrai!
Deux vrais tarés, je vous dis, Mamie-Rose!" |