X,
Y et W, trois amis d'une vingtaine d'années partent en week-end. L'occasion
d'emporter le lecteur dans leurs bagages, ou plus exactement dans la tête
de X. Attention, mouvements zygomatiques au programme ! Plus encore que
tous les autres média culturels, la littérature marche rarement
autrement que par coup de cur. Et c'est véritablement de cela qu'il
s'agit à la lecture de cet excellent roman bourré à ras bord
d'humour et de tranches de vie : de bonnes grosses tranches exactement comme celles
que l'on a tous croqué un jour. Jean-Claude Madariaga se présente
lui-même comme un auteur qui "exerce depuis de longues années
un métier nécessitant le port de la cravate et un air responsable",
et cette seule allusion pourrait nous suffire, à tous les membres de La
Propagation du Chaos en tous les cas ;-), à situer un personnage qui travaille
pour gagner sa vie et s'adonne à ses passions dès la porte de son
bureau fermée. Week-end est, donc, le premier roman de
Jean-Claude Madariaga. Un premier roman coup de talent, un premier roman coup
de génie. On ne peut tarir d'éloges devant une telle fluidité
dans le style et devant tant de vérité dans l'humour. C'est en cela
que Week-end prend une véritable dimension qui le distingue de ses
concurrents : sans jamais rentrer dans l'humour graveleux, ou facile, ou parodique,
ce Week-end nous fait nous sentir bien. Quoi de mieux pour illustrer
ces dires qu'un petit extrait qui résume à merveille ce que l'on
ressent à la lecture : " Au terme d'une analyse comparative serrée
des différents pâtissiers installés dans le centre-ville,
W opta pour un mille feuilles ; il procéda à une attaque franche,
avec éjection bilatérale de la crème et basculement à
60 degrés de la partie supérieure, puis récupération
de la crème avec les doigts et léchage de ces derniers. Il poursuivit
avec un demi étouffement assez technique mais joliment exécuté
et conclut classiquement par une tache force 3 sur son polo ; ça ne méritait
guère plus de 4 en artistique, mais on pouvait prétendre à
un 5,1 voire 5,2 en technique ". Si ce n'est pas du vécu ça,
je ne sais pas ce que c'est ?! Week-end a une allure vraiment
enlevée au rythme des tribulations de nos trois jeunes amis X, Y et W,
auxquels le lecteur parvient à s'attacher et/ou s'identifier avec une aisance
renversante. Week-end est le premier roman que l'on aimerait être
capable d'écrire. Cela semble tellement facile, et pourtant. Dans son humour,
Week-end pourrait se rapprocher des scènes souriantes de Daniel
Pennac et de sa tribu Malaussène. A cela s'ajoute un enchevêtrement
impressionnant de situations dans lesquelles tout un chacun s'est forcément
retrouvé un jour ou l'autre : une propriétaire / gardienne d'immeuble
encombrante, une copine de copain perturbée, une tente difforme à
monter, une vieille voiture prête à s'écrouler
Mais
ce matériau est déjà plus que surexploité vous direz-vous
? Et bien peut-être, mais vous risquez franchement d'être surpris
par l'originalité et la dextérité avec laquelle Jean-Claude
Madariaga manie sa plume pour nous concocter l'une des meilleures recettes de
Week-end à la sauce roman. Comme
tous les week-ends, celui de Jean-Claude Madariaga est trop court (201 pages)
mais est vraiment bon (ça ressemble à une pub pour des Fingers,
non ?), alors un seul mot d'ordre : jetez-vous dessus et tels nos trois héros,
croquez le Week-end à pleines dents ! Comment résister
à l'envie de vous livrer un dernier passage avant extinction des feux :
"Malheureusement, son père rejeta fermement l'idée d'un
nouveau placement financier joignant une absence totale de rémunération
à un risque certain, et W dût se contenter de la somme versée
par l'assurance pour acheter sa voiture actuelle. De toute évidence, cette
somme avait essentiellement une valeur pédagogique".
|