DJ
FOOD - KALEIDOSCOPE Retour
sur un Ovni jazzy electro hip hopop, l'album Kaléidoscope de DJ Food sorti
en 2000 chez Ninja Tune... L'occasion de prendre la mesure du temps qui passe
et de se poser cette intrigante question... mais qui est DJ Food ?
ANALYSE
KALÉIDOSCOPIQUE
12 titres
Ninja Tunes 2000
Incorporation. Dans
ce monde féroce et infatigable des "musiques actuelles", le pauvre
mélomane du vingt et unième siècle ne sait plus où
donner de l'oreille Une créativité vorace et incessante nous harcèle
jour après jour, on devient trop gourmand et il devient alors difficile
de digérer calmement tout ce qu'on nous balance dans les bacs et sur le
net. On consomme, on bouffe de la fast-music, et beaucoup d'oeuvres électroniques
tombent rapidement dans l'oubli ou pire encore, ont à peine le temps de
cracher leur dernier son. C'est pourquoi il est parfois intéressant
d'arrêter la spirale musicale un moment pour se replonger attentivement
dans de vieux albums (quand je dis vieux, j'exagère un peu, deux,
trois, quatre ans d'âge ). Plus enrichissant encore est de retrouver
un opus qui à l'époque fut déjà couronné du
must de l'étiquette: IN-CLA-SSA-BLE. C'est ce qui m'est arrivé
il y a quelques semaines de cela, lorsque de nouveau partie pour une chasse aux
disques d'occas', je suis tombée sur l'ensorcelant "Kaléidoscope"
de DJ Food (je vous préviens, ce mot va revenir très souvent,
tenez bon).
Mise
en condition. Rappelons que le projet ambitieux de DJ Food est à
la base purement alimentaire. Oui oui, DJ Food, c'est de la food pour dj, des
breaks, des loops, des samples et pleins autres ingrédients sonores qui
nous sont proposés à l'état brut (de pomme ahah). Mais
Kaléidoscope nous offre bien plus que ça, Kaléidoscope c'est
une Bataille Royale entre les organes du jazz et le rapace électronique.
Certains le comparent à une B.O de Blaxploitation mais en plus psychédélique.
Je verrais plutôt une B.O de Blaxploitation revisitée par les aliens
musicovores de la planète jazz (ouh laaa, ça me monte à la
tête c't'histoire). Surréalisme musical, sons impossibles, mouvements
irréels, voix subliminales, bref, de l'adrénaline à gogo
orchestrée par l'essence même du jazz.
Décortiquation. (I)
Décollage psycodélico. Une chose est sûre, c'est un
album qui s'écoute d'une traite pour être apprécie à
sa juste valeur. Tous les éléments basiques de la musique électronique
sont présents: scratchs, samples, beats, jingles. Bref, la bouffe élémentaire
du dj mais, le tout enrobé d'une onctueuse sauce jazzy... Dès
le premier "Full Bleed", le ton est donné. Un piano et un son
violonneusement strident nous ouvrent les portes de la planète Kaléidoscope.
Attention, nous voilà rentrés dans les profondeurs électro-psychédeliques
du jazz de DJ Food. La haute tension se fait sentir, les drums typiques d'un certain
'Coldcut' nous rappelle un monde cinématographique où se mélangeraient
gangsters rétro à la James Bond de John Barry et voyages intersidéraux
à la Kubrick. Sur cette planète jazz, les sons s'amusent, se mettent
au défi en toute subtilité, c'est dur à suivre, perturbant
au début puis notre oreille s'accommode et tout devient alors envoûtant
voire apaisant. Notre ouie est en exergue. Dans "Cookin'", les sons
prennent la forme de ces lampes psychédéliques (sur lesquelles on
a tous bloqués). Le son fluorescent ne cesse de changer de forme tout en
restant une seule et même masse compacte et fluide. Jazz futuriste? Possibly
maybe...
(II)Snooker
sonore. "Break" est un véritable exercice d'adresse entre
boules de billards claquant dans nos oreilles, piano boogie, voix black distorsionnées.
Pourtant aucune schizophrénie mentale, ça jazze, ça groove,
c'est trop bon. Le très british "The riff" est une bombe adrénalinique
à souhait. Parfait à écouter quand on aime slalomer entre
les voitures aux heures de pointe. "The Ageing Young Rebel" est un
conte machiavélique narré par la voix très barrywhitifainte
de Kevin Nordine, vieux poète beatnik des années 60. Avec Kaléidoscope
nos neurones s'amusent et c'est bien là-dessus que repose le talent de
Ninja Tune. En retravaillant ces sons joués par les musiciens d'Antan,
le groupe à géométrie variable qui compose DJ Food nous offre
du pur swing électronique. Sur cette planète sonore, les sons changent
plus vite que les couleurs d'un caméléon dans un kaléidoscope.
(III)
Atmospheric-trip Puis, peu à peu la mélancolie vient s'installer,
c'est le moment du trio clarinette-contrebasse-machine. Des sons langoureux, nostalgiques,
un vieux crooner blasé qui rentre chez lui un soir de pluie... L'atmosphère
devient alors tendue et angoissante, ce n'est plus un film de Blaxploitation mais
un film Hitchcockien récupéré par David Lynch Dans
"Nevermore", silence et cacophonie jouent à cache-cache, l'orchestre
kaléidoscopique part dans tous les sens, puis l'atmosphère devient
alors plus contemplative, plus élastique. "The sky at night"
nous fait penser à un boomerang qui va et vient dans un espace infini (j'
vous jure, j'ai rien pris).
(III)
Atterrissage en douceur A la fin (enfin), on termine. Dans la plénitude,
des sons méditatifs aux touches orientales, on plane, on s'envole, ça
gazouille, ça criquette, ça boomerang Finalement cette planète
n'est pas si tarée Maintenant libre à vous de poursuive le
voyage kaléidoscopique. Et puis voilà.
Réflexionnation. Tout
comme cet article, l'album peut être lourd à digérer mais
on termine sereinement repu et satisfait (à l'inverse de cet article d'ailleurs ). C'est
donc un monde électronique subtilement contrôlé par Miles
Davis ou John Coltrane que j'ai re-découvert il y a quelques semaines.
DJ Food nous propose un autre langage possible du jazz. C'est fait, à prendre
ou à laisser. Et le plus fort de tout, c'est qu'avec le recul, Kaléidoscope
reste une oeuvre IN-CLA-SSA-BLE, qui a déjà donné quelques
clés à de récents artistes novateurs (les voix samplées
et distortionnées d'un certain 'Prefuse' for example).
Rendons hommage
aux perles rares, à ces intrépides parasites musicaux qui repoussent
les limites, élargissent notre champ d'écoute et grâce auxquels
la musique continue d'avancer. Bon Voyage et bonne dégustation...
www.ninjatune.net
The label incontournable du paysage hip-hop/electro/jazz. Coldcut, Cinematic Orchestra,
Amon Tobin, Mr Scruff, The Herbaliser... tous y sont !
www.djfood.org Le micro-site
en flash dédié à l'album Kaleidoscope... Très sympa
et agréable malgrè son âge avancé...
www.warprecords.com/ography/...
Si ce n'est pas encore fait ! L'achat indispensable de ce siècle : WARPCD44
/ Blech mixé par Strictly Kev & Patrick Carpenter (PC)