Redécouvrir
un film en VO !
Jusque là réservée à quelques privilégiés,
la version originale d'un film est devenue avec le DVD bien plus accessible...
L'occasion de redécouvrir les grands classiques et parfois de se prendre
une grande baffe...
Fraîchement
débarqué de ma province un beau matin de juin 1999, je découvrais pour la première
fois les joies des films en VO dans les cinémas parisiens… oh comble du bonheur
! Bien sûr, j'avais déjà goûté aux plaisirs d'un film en VO (fan de manga, il
m'était impossible de voir un film japonais autrement que dans la langue de Kaneda
et de Tetsuo), mais c'était pour revenir au plus vite et invariablement aux films
doublés en version française du dimanche soir sur TF1.
Aujourd'hui,
l'avènement du DVD permet peu à peu aux langues de se délier… le spectateur voit…
ou plutôt entend ce qu'on lui cachait dans le passé…mon premier choc VO au cinéma
fut le succès de l'époque… "Matrix", des frères Wachowski…Après avoir entendu
la prononciation méticuleuse et poétiquement glacée de l'agent Smith et la voix
roque et vengeresse de Neo, il m'était impossible de revenir à cette VF mou du
genou, où Keanu Reeves a la voix de Farinelli (" Toc toc Neo "… ;-)) et Hugo Weaving,
la prononciation de Monsieur Tout le monde… C'en était fini… Au bûcher les versions
françaises! Vive les VO STF (versions originales sous titrées français) !
Bien sûr dans ma vidéothèque, quelques perles en VF ont continué de tourner
sans discontinuité, les doubleurs d'autrefois étant alors réellement inspirés
et apportant parfois aux personnages le souffle qu'ils leur manquaient en version
originale. Comment ne pas souligner la justesse profondément onirique et burlesque
du doublage de " Ghostbusters " de Ivan Reitman "Si le taux de ionisation
est constant chez toutes les entités ectoplasmiques… on va pouvoir leur casser
la gueule… au sens médiumnique bien évidemment", le doublage incisif de "
Le dernier samaritain " de Tony Scott "Touche moi encore et j'te tue !"
ou encore les voix cartoonesques de la série " Retour vers le futur " de Bob Zemeckis
: "Euuuuuuh Biiiiffffffff ! ! !". Néanmoins, aujourd'hui, je suis presque
dans l'incapacité de voir un film en VF, mes yeux se posant invariablement sur
les lèvres des acteurs (surtout des actrices)… révélant sans appel le mensonge,
le subterfuge du doublage…
Mais voilà quelques jours, j'ai découvert
qu'un doublage pouvait occulter tout simplement le sens d'une scène… en changer
radicalement le sens… et par cela dénaturer (si si ! ! !) l'œuvre d'un réalisateur
: tel le bûcheron sur son arbre, j'étais scié. La sortie en DVD du chef d'œuvre
de John Mc Tiernan " Predator ", film barbare ayant bercé mon adolescence allait
me permettre de redécouvrir cette perle en VO avec la voix gutturale et fortement
autrichienne de celui qu'on nomme Arnold Schwarzenegger….
Quelle ne
fut pas ma surprise de redécouvrir complètement ce film en entendant la version
sonore d'origine… Non seulement les doubleurs sont passés complètement à côté
de deux scènes clés, mais en plus, le montage son en VF occulte des bruitages
primordiaux ! Attention, à partir de maintenant cet article s'adresse aux fans
de John Mc Tiernan, aux fans absolus de " Predator " et aux gens curieux (barrer
la / les mention(s) inutiles…). Ainsi on se surprend à entendre le croassement
(je n'ai pas d'autres termes en tête) du Predator dès les premières minutes du
film (lorsque Billy découvre les corps à vifs de soldats américains)… dès le début
de leur immersion dans la jungle, le Predator les observe, les étudie pour mieux
connaître leurs faiblesses… mais lorsque l'on revient à la version française on
se rend compte que ces bruitages ont tout simplement disparus ! ! ! !… mais cela
n'est rien encore quand on voit ce qui suit !
Après l'attaque du camp
de prisonniers par la troupe de Schwarzy afin de délivrer les otages… le Predator
continue d'observer ses futures proies… Il en vient même à sampler leur discussion.
En effet, après cette scène de carnage… Mac (Bill Duke) sauve la vie de Dillan
(Carl Weathers) en retirant " in extremis " un scorpion se promenant tranquillement
sur son dos… Le dialogue étant le suivant : -" Dillan….over here ! " Mac
interpelle Dillan et lui demande de s'approcher ce que Dillan fait promptement…
-" Turn around " Mac demande à Dillan de lui tourner le dos -" Why ?
" Dois-je vraiment expliciter cette réplique ? -" Thanks " …avec amertume,
Dillan se rend compte que Mac lui a sauvé la vie en lui retirant ce scorpion mortel.
Cette séquence se termine sur Mac proférant un "Anytime" de circonstance.
Toute cette scène est filmée via la vision subjective du Predator… la scène
qui suit le montre d'ailleurs scrutant le carnage laissé par les hommes de Schwarzy
en essayant de reproduire tant bien que mal les commentaires de Mac et de Dillan
: " Over here ", " turn around ", " anytime " , scène complètement tronquée par
la VF… non seulement pas une seule fois la VF souligne que le Predator réussit
progressivement à imiter la voix de Mac et de Dillan, mais ensuite cette erreur
passe sous silence toute une thématique du cinéma de Mc Tiernan : l'adaptation
au langage de l'autre. Voir pour cela les scènes on ne peut plus parlantes de
"A la poursuite d'octobre rouge" et surtout de "Le 13ème guerrier"). Mais le plus
incroyable est à venir…
Quelques 30 minutes plus tard, le combat entre
les hommes de Schwarzy et le Predator a réellement commencé… après lui avoir tendu
un piège auquel le Predator échappe Mac et Dillan partent à sa poursuite. Distancé
par Mac, Dillan arrive plus tard dans un espace reclus… soudain, on entend le
croassement du Predator (détail qui a disparu de la VF bien évidemment)… puis
soudain, Dillan entend la voix de Mac, étouffée au loin qui lui demande de s'approcher
" Turn around…over here "… AH MON DIEU ! Le Predator lui a tendu une embuscade,
il se joue de Dillan en se faisant passer pour Mac… et force est de constater
que dans la version française les doubleurs n'ont pas employer les mêmes mots
entre ces deux scènes clés… ce qui fait que le piège n'en ai plus un… les doubleurs
n'ont tout simplement pas capter que c'était le Predator qui tendait un piège
en se faisant passer pour Mac et non Mac qui interpellait réellement Dillan (vous
me suivez ?)… la scène se terminant par la mort de Mac et la mort de Dillan juste
après que celui-ci ait entendu le Predator proférer un " anytime " bien ironique…
Que dire, sinon que je suis resté bouche bée devant tant d'amateurisme…
des doubleurs incompétents changent une scène exceptionnelle en scène bancale
et un peu grotesque car ils n'ont pas pris le temps de regarder et surtout d'écouter
le matériel d'origine…
Et si je vous dis, que dans " Predator 2 " de
Stephen Hopkins, il y a encore un clin d'œil jouissif à cette scène (toujours
en VO et toujours tronqué en VF)… vous avez déjà fait péter votre portefeuille
et vous dirigez déjà vers la Fnac la plus proche… Voilà… ce seront mes derniers
mots : vive le DVD ! vive les VO ! Vive le "Predator " de John Mc Tiernan.