X-OR
Il a bercé les plus jeunes années de toute une génération à grands coups de laserolame.
C'est le shérif de l'espace et le roi du kitsch. Entre George Lucas et Méliès,
un nouveau mythe est né un mercredi après-midi de 1984...
Jouons
tout d'abord aux Alain Decaux du tokusatsu. Diffusée à partir de mars 1982 au
Japon, Uchuu Keiji Gyaban (Gavan le shérif de l'espace) arriva chez nous
en janvier 1984 sur Antenne 2 sous le nom de X-OR. Les rares tokusatsus
(feuilletons de SF japonais) à être parvenus jusqu'en France ne sont en fait qu'une
partie infime d'une tradition florissante chez les Nippons, qui débuta en 1966
avec Ultraman (produite par Eiji Tsuburaya, le maître des effets spéciaux
des Godzilla). X-OR, qui appartient à la sous-catégorie metal heroes,
est le troisième du genre à avoir été diffusé dans l'hexagone après le mythique
Spectreman en 79 etle kitschissime San Ku Kai en 82, sans
compter la série de marionnettes Bomber X de Go Nagai. D'autres
lui succéderont sur nos écrans (Bioman, Spielvan, Jaspion...) et X-OR donnera
lieu à deux suites : Sharivan et Shaider (diffusées sur M6).
Dirigés par l'ordinateur suprême
Lou I-B Mix 11, les infâmes C-Rex décident d'envahir la Terre. Heureusement, venu
de la planète Etolia, X-OR le shérif de l'espace veille sur l'humanité. Prenant
l'identité de Gordan sur Terre, il s'occupe de chevaux dans un ranch, le Avalon
Club. Mais dès que le danger se fait sentir, il se transforme en un guerrier d'acier
invincible grâce à sa cuirasse transmise par champs magnétique depuis son vaisseau
(la CTE, Cabine de Transit de l'Espace). Il est aidé par le docteur Com, Marine
et sa coéquipière Mimi qui a la particularité de se transformer en oiseau et de
porter une mini-jupe très très courte, et qui est secrètement amoureuse de lui.
Il est également sur terre pour élucider la disparition de Bolzar, son papa. X-OR
arrivera-t-il à le retrouver et à venir à bout de ces satanés C-REX?
Enfants, c'est tour à tour
émerveillés, effrayés et fascinés que nous découvrions ce monde nouveau qui s'ouvrait
à nous, et une fois l'épisode terminé, l'attente était longue jusqu'au mercredi
suivant. En les revoyant plus tard avec un regard d'adulte, c'est non pas avec
nostalgie mais avec un amusement énooôoorme que l'on redécouvre les aventures
du shérif de l'espace. L'aspect fauché et la naïveté de la chose (qui en deviennent
presque poétiques!) procurent un plaisir de tous les instants et les fous-rires
sont nombreux. Comment ne pas pouffer devant la débilité des intrigues et le catapultage
infantile des péripéties? Comment ne pas s'esclaffer devant les costumes en caoutchouc
des monstres tous plus kitsch et bariolés les uns que les autres, avec une mention
spéciale pour le grand lapin qui crache de la mousse à raser? Comment ne pas exploser
de rire devant les maquettes de vaisseaux ressemblant à des jouets Hasbro et les
décors en carton-pâte de l'hyperespace? Comment ne pas mourir de catatonie zygomatique
en voyant les C-Rex faire la fête en faisant des pas de danse bizarres? Bienvenue
dans l'univers chatoyant de X-OR!
Tous
les éléments qu'on attend d'un tokusatsu sont présents dans X-OR : un super-héros
avec des super-pouvoirs (laserolame, plutonolaser, écran magnetolaser...) et des
super-véhicules (le Rollersky, le dragon Morox, la foreuse Boulox...), des méchants
très méchants et super-bizarres venant d'un étrange univers, n'hésitant jamais
à se livrer à d'ignobles expériences sur des enfants ou à enlever de jeunes demoiselles
pour assurer la reproduction de leur libidineuse espèce. Bien sûr, chaque épisode
voit la venue d'un nouveau monstre en latex et les scènes de combats sont réglées
comme du papier à musique (l'acteur principal Kenji Oba fait ses cascades lui-même),
dans des décors extérieurs variés et toujours judicieusement choisis. De plus,
malgré le caractère répétitif des épisodes, il existe une trame de fond où X-OR
tente de lever le mystère sur la disparition de son père, avec son lot de révélations
dans les derniers épisodes. C'est en grande partie pour tout cela qu'on aime X-OR...
Si la série est aussi réjouissante,
c'est aussi et surtout pour son doublage (en VF) particulièrement réussi, ce qui
ne sera pas le cas des séries suivantes (pendant l'ère AB, les doublages feront
l'objet de beaucoup moins d'attention). Les combats sont toujours propices à des
répliques cinglantes de la part de X-OR comme "Apprends à tomber!",
"Rentre ton ventre!" ou "Si tu veux danser, invite moi!".
D'ailleurs, ce n'est pas Arnold Schwarzenegger qui a inventé la réplique qui tue
avant d'achever son ennemi, c'est X-OR!!! Précisons que ces notes d'humour sont
absentes de la VO et ont été ajoutées par le doubleur français Michel Bedetti.
C'est sans doute par dédain envers la série que les doubleurs ont décidé d'en
faire des tonnes, sans se rendre compte que l'adaptation n'en serait que meilleure.
Merci les gars! Mais là où l'adaptation française atteint des sommets débilissimes,
c'est lorsqu'en plus des répliques à cinquante centimes d'euros viennent s'additionner
des bruitages (lorsque le générique français vient remplacer la musique japonaise,
on perd les doublages originaux) on ne peut plus approximatifs : du flûtiot accompagne
la transmutation et le laserolame fait un bruit d'aiguille à tricoter. C'est bon
de rire parfois...
Toutefois (un
peu de sérieux!), au delà de la naïveté et du kitsch à prendre au seconde degré,
la série possède de vraies qualités. Il n'y a d'ailleurs pas eu de tokusatsus
aussi réussis par la suite (en tout cas diffusés en France). Avec son armure qui
brille et ses lumières qui clignotent de partout, X-OR a de la classe non? A-t-on
déjà vu mieux? Certainement pas les Bioman avec leurs pyjamas fluos. Quant à Spielvan
et Jaspion, il manquaient un peu de charisme comparé à Gordan et ne parlons même
pas des hideux Power Rangers. X-OR faisait preuve d'une inventivité jamais
retrouvée par la suite, d'une débauche d'effets spéciaux utilisant tous les procédés
existants de Méliès à George Lucas : matte painting, pixilation, cache/contre-cache,
rotoscopie, superposition et incrustation video. La mise en scène est très dynamique
et le montage (plans cut, zooms, jump cut, plans à l'envers, répétés, accélérés
ou ralentis) transcende littéralement le peu de moyen de la série. Ce qui nous
gratifie de quelques morceaux de bravoure. Retenons une scène où un C-Rex tire
au revolver sur Gordan, qui, à peine la balle sortie du canon, a le temps d'opérer
sa transmutation et de rattraper la balle avec sa main! De quoi faire passer les
scènes en bullet-time de Matrix pour du Maurice Piallat ;-) ! Ou cette
scène très cartoonesque où X-OR apparaît et disparaît à travers des piles de pneus
laissant son saurien d'ennemi complètement hagard. Sans oublier cette course
folle en voiture, ce Speed avant l'heure, où Gordan ne peut arrêter sa
voiture sous peine d'explosion...
Les épisodes sont d'ailleurs
truffés de références cinématographiques. La série surfe sur la déferlante Star
Wars et la filiation saute aux yeux (même si elle est moins flagrante que pour
San Ku Kai) : le laserolame ne vous rappelle rien? On a aussi droit à la célèbre
scène de la boule de Les aventuriers de l'arche perdue. Les combats de
monstres renvoient directement au kaiju eiga (après tout, le tokusatsu n'en est
qu'un dérivé télévisuel) et les décors de la CTE aux space-opera japonais et italiens
des années 60. L'hyperespace est prétexte aux situations les plus folles et l'on
touche souvent au non-sens psychédélique de séries comme Chapeau melon et bottes
de cuir ou Le prisonnier (voir les épisodes Un mirage et Prisonnier
du temps : du délire non-stop où X-OR est en proie à des hallucinations hantées
de clowns, d'ours en peluche et autres personnages loufoques). Ce foisonnement
de références allant du western spaghetti au kabuki, en passant par l'expressionnisme
allemand, donne à X-OR toute sa richesse.
Alors,
si vous vous sentez en mal de super-héros en combinaison luisante, de monstres
en caoutchouc et de femmes à tête d'oiseau, ou tout simplement d'un bon fou-rire
entre amis, il ne vous reste plus qu'une seule chose à faire : vous (re)plonger
dans le monde parallèle en compagnie du shérif de l'espace.
Pourquoi certaines scènes de X-OR
sont-elles restées si profondément ancrée dans nos mémoires??? Parce qu'on les
voit dans tous les épisodes!!! La série nous gratifie en effet d'une pelletée
de plans récurrents (la transmutation, l'arrivée de Morox, l'entrée dans l'hyperespace...)
et la structure de tous les épisodes est à peu de choses près la même. Seuls quelques
uns dérogent à cette règle. Voici le scénario type de tout épisode de X-OR
qui se respecte :
Les
C-Rex ont trouvé un nouveau plan pour nuire à l'humanité (plan qui se réduira
au fil des épisodes à "mettre une branlée à X-OR"). Lou I-B Mix 11 envoie
un nouveau monstre sur Terre pour mener à bien son projet machiavélique. Gordan
nage en pleine béatitude dans son ranch parmi les enfants et les animaux, jusqu'a
ce qu'il ait vent, par le plus grand des hasards, des exactions des C-Rex.
Gordan livre un premier
combat avec les vils extra-terrestres, occasion pour lui d'opérer une première
transmutation. La fameuse séquence "Il suffit de 5/100e de secondes à X-OR
pour revêtir son scaphandre de combat, mais revoyons la scène au ralenti."
se fera, au choix, à ce moment-là ou plus tard dans l'épisode. Puis il perd la
trace des C-Rex. Gordan
fait un tour dans sa belle jeep rouge et mène son enquête pour savoir ce qui se
trame. D'ailleurs on se demande quand il trouve le temps d'aller bosser au ranch,
lui! Il en profitera pour régler leur compte à quelques hordes de C-Rex supplémentaires.
Il fera une première rencontre avec le monstre en caoutchouc de l'épisode.
Mimi interviendra de temps
en temps pour mettre à profit son pouvoir de la planète des oiseaux. Et le poltron
Kojiro se mettra souvent en mauvaise posture pour que X-OR vienne le sauver.
Lors de ses excursions,
X-OR utilisera souvent le Rollersky pour occire encore plus de blousons-noirs
cosmiques, ou Boulox s'il lui prend l'envie de creuser des trous dans le sol.
Gordan suit la trace de
ses ennemis et, après avoir assommé encore quelques monstres en perfecto et mis
les gentils humains hors de danger, vient enfin pour lui le combat final avec
le boss de fin de l'épisode.
Voici maintenant le moment tant attendu où Lou I-B Mix 11 ordonne : "Qu'on
les projette dans l'hyperespace". Petite explication scientifique du phénomène
par la voix-off : "En agissant sur l'axe de rotation de la Terre, les C-Rex
créent un monde parallèle, une sorte de trou noir". X-OR enfourche son Rollersky
pour y entrer. La
voix-off nous annonce alors que "les C-Rex sont 10 fois plus forts et plus
agiles dans l'hyperespace"... enfin ça dépend car selon l'épisode, ce coefficient
multiplicateur varie entre 3, 5, 6 ou 10!
X-OR utilise son visualoscope pour repérer le monstre qui le nargue par ses petits
tours de passe-passe. Dans les décors surréalistes du monde parallèle, le vrai
combat peut alors commencer.
X-OR appellera l'aide de tous ses engins, dont le plus assidu est le dragon Morox,
qui accourt toujours sur un petit air de disco. Le monstre en caoutchouc, lui,
fera éventuellement un tour en soucoupe volante, s'il ne choisit pas plutôt de
devenir géant. Le
combat continue au sol. Quand il en a assez de faire des roulades et des pirouettes,
et de montrer la couture dorsale de son beau costume, X-OR donne le coup fatal
de laserolame ("le grand partage"). Le monstre explose, l'hyperespace
disparaît et la menace C-Rex est définitivement écartée.
On finit par une note d'humour bon enfant où Gordan est toujours l'ami des animaux
et des enfants, ce qu'il est sympa ce Gordan! Mais attention, la voix-off te met
en garde : les C-Rex préparent déjà un nouveau coup pour se venger...
Pour
tout savoir sur l'un des épisodes les plus débiles de la série, cliquez donc ICI
ou bien sur la photo de ce personnage machiavélique qui, vous le verrez, n'est
pas net du tout...
WEB
LIST
http://membres.lycos.fr/gyaban/
Le meilleur site français sur le shérif de l'espace. Merci à Gordan pour ses précieuses
informations et ses images.
http://generikz.free.fr/paroles/X/...
Pour réviser les paroles du générique. "Pieds et poings nus... Il se
bat kung-fu... Vrai samuraï... Il n'fait pas d'détails" :-)))
"J'ai
une putain d'envie d'me transformer moi..... TRANSMUTATION!"
"Dans
le monde parallèle, les forces des C-Rex sont décuplées."
"Prends
ça, morse en latex!"
"Attention,
tu vas être encore plus laid!"
"Mimi,
tu me feras penser à trouver un nouveau tailleur..."
Morox,
le dragon Playskool qui aime la disco
FICHE
TECHNIQUE
Uchuu
Keiji Gyaban / Space Sheriff Gavan Japon
1982 Créé
par Saburo Hatte Avec Kenji Oba, Wakiko Kano, Sonny Chiba, Masayuki Suzuki,
Toshiaki Nishizawa...
TOEI Company / IDDH 44 épisodes de 25min Première
diffusion en France : Janvier 1984 dans Récré A2 (Antenne 2)
LE
SAVIEZ-VOUS?
Quelque soit le monstre détruit par le laserolame, c'est toujours le même plan
d'explosion qui est montré (celui de Doubleman Zombie, le starex à cornes). Ha
Ha Ha! Dans
l'hyperespace, le temps s'écoule 1000 fois moins vite que sur Terre.
Même si l'appellation galvaudée en France est "sentai", X-OR
est en fait un tokusatsu, terme généraliste désignant une série de science-fiction
japonaise. Les sentais sont en fait des séries mettant en scène une équipe de
plusieurs héros de couleurs différentes (comme Bioman, Liveman, Flashman...).
La cuirasse
de X-OR contient du burnium, un minerai spécial qui lui donne toute sa puissance
et qui le rend sévèrement burné...
Un épisode spécial a été tourné en 1985, pour clore la saga, regroupant les trois
Space Sheriffs Gavan, Sharivan et Shaider. Dans ce cross-over, Gordan est chauve!
La doublure
qui se trouve à l'intérieur de l'armure de X-OR pour certaines cascades est en
fait Hiroshi Watari, l'acteur qui jouera plus tard le rôle de Sharivan.
Kenji Oba était la doublure de Staros dans San Ku Kai et on le voit même
à visage découvert dans l'épisode 15, dans le rôle d'un villageois mourant.
Sous le pseudo
de Paul Persavon, parolier du générique, se cache en fait Antoine De Caunes. Etonnant,
non? Après
avoir sauvé la Terre des C-Rex, X-OR est promu shérif du système solaire. Finalement,
les space-sheriff c'est hiérarchisé comme dans toutes les boîtes...