| Ryu,
jeune sourd-muet est prêt à tout pour sauver sa soeur qui a besoin
sans plus attendre d'une greffe de rein. Puisqu'il n'est pas du même groupe
sanguin et qu'il n'a pas assez d’argent pour lui payer une greffe, il décide
de faire appel à des trafiquants d'organes pour obtenir un rein compatible
en échange d'un de ses reins. Dépossédé de ses dernières
économies et renvoyé de son emploi, Ryu est complètement
démuni. Sa petite amie, Yougmi lui suggère de kidnapper la petite
fille de son ancien patron, Dongjin afin d'obtenir la somme requise pour payer
l'opération... Attention,
film choc !
Une scène au hasard : quatre adolescents se masturbent
dans leur appartement en écoutant les râles de plaisir d'une femme
faisant l'amour dans l'appartement d'à côté... petit travelling
pour passer de l'autre côté de la fine cloison et l'occasion pour
le public de découvrir que ce qu'il a pris pour une jouissance est en fait
la souffrance atroce de la sœur de Ryu qui se meurt... Cette scène
illustre parfaitement le fond et la forme de Sympathy for Mr Vengeance,
quatrième film du réalisateur coréen Park Chan-Wook, une
vertigineuse descente en enfer s'apparentant à un Roller Coaster de sentiments
et de sensations contradictoires.
Après une mise en place très
ludique qui brosse en quelques magnifiques scènes contemplatives les portraits
des trois personnages principaux, l'intrigue déraille et vous plonge subitement
dans un cheminement implacable, illustrant le cercle vicieux de la loi du talion.
Les ruptures de ton qui se succèdent au fil de l'intrigue sont déstabilisantes
pour un oeil occidental peu habitué au cinéma asiatique... on passe
de l'humour absurde, à la tendresse, à la violence, à la
cruauté et même au sordide en un claquement de doigts. L'utilisation
de l'humour dans Sympathy for Mr Vengeance a d'ailleurs une fonction
assez particulière, celle d'ajouter au malaise en rendant les situations
beaucoup plus réelles, quotidiennes... Nous suivons les vies de trois personnes
comme vous et moi, trois personnes avec leurs contradictions, leur maladresse,
leur humanité... humanité renforcée par un casting sans faute
: Shin Ha Kyun (Ryu) livre une interprétation silencieuse remarquable en
innocent bafoué par la nécessité de sauver sa soeur, Bae
Doona (Yougmi) campe une féroce anarchiste pleine d'énergie, mais
c'est l'interprétation de Song Kand-Ho (Dongjin), déjà vu
dans Shiri, qui interpèle le plus dans sa transformation de père
de famille en vengeur sans pitié...
La réalisation de Park
Chan-Wook est parfaitement maîtrisée avec une composition des cadres
sublimes et un travail méticuleux sur l'ombre et la lumière pour
mieux souligner les contradictions qui habitent chacun des personnages. L'ambiance
sonore est extrêmement travaillée, notamment dans le traitement de
la surdité de Ryu, qui joue énormément sur la mise en condition
du spectateur, celui-ci étant tout le temps sur le qui-vive, s'attendant
au pire... mais n'y étant jamais vraiment préparé...
Au jeu des comparaisons, on pourra rapprocher le propos du film de Park Chan-Wook
à celui d'Irréversible
de Gaspard Noé, avec une intrigue qui bouleverse nos points de vue
au fur et à mesure que la vengeance s'abat irrémédiablement...
la victime devient le bourreau, le bourreau devient la victime et ainsi de suite...
ici rien n'est blanc, ni noir, on est plutôt du côté du rouge
vif, le film étant particulièrement sanglant à certains moments
avec même quelques écarts vers le gore. Le traitement elliptique,
tout en sous-entendus et non-dits (normal dans un film avec un héros sourd-muet)
est à rapprocher du cinéma de Takeshi Kitano dans ses premiers films
et notamment sur Violent Cop.
Ecrit il y a plus de six ans,
Sympathy For Mr. Vengeance est une histoire que Park Chan-wook tenait
absolument à mettre en images. Le succès critique et public de Joint
Security Aera, son précédent film, lui a permit de concrétiser
ce projet dans lequel aucun producteur ne voulait se risquer. D'ailleurs, Sympathy
for Mr Vengeance a été un beau bide en Corée malgré
la présence au casting de Song Kang-Ho et de Shin Ha-Kyun, tous deux déjà
révélés dans Joint Security Aera.
Sympathy
for Mr Vengeance est une expérience difficile à vivre, un film
qui vous happe littéralement jusqu'au générique de fin, prolongement
sonore du dénouement... un film à la beauté formelle indiscutable
qui marquera votre esprit bien après la fin de la projection. |
